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Frédéric Maillard
Par Frédéric Maillard Le 1 octobre 2014 Catégorie d'articles: L'invité-e

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« Opinion » parue dans le quotidien La Liberté du 3 septembre 2014

Comment en sommes-nous arrivés là ? Non qu’il s’agisse de reprendre un à un les arguments déployés contre les initiatives de l’UDC, mais de s’interroger sur le fait même que celles-ci puissent exister. S’en prendre au droit d’asile et au droit international, n’est-ce pas là l’une des preuves les plus éclatantes de ce qu’il convient bel et bien d’appeler une défaite de l’esprit ? Après avoir cru en la raison, ne serions-nous pas en train de désespérer notre savoir et notre intelligence ? Aurions-nous déjà oublié Montesquieu lorsqu’il écrivait: «Je ne traite point les lois, mais l’Esprit des lois» ?

N’aurions-nous plus rien retenu des Lumières dans un monde où la prétendue optimisation économique a définitivement pris le pas sur la faculté de penser ? Car au-delà de l’émoi qu’ils suscitent, les projets de l’UDC s’inscrivent parfaitement dans le temps présent. Instruments privilégiés par ce parti politique, ils ne sont que le reflet d’une société intellectuelle en régression. Parfaitement en phase avec une logique répressive et autarcique, les propositions blochériennes réfléchissent un espace aseptisé de penseurs qui ne pensent plus ou d’humanités qui se déshumanisent.

Plus encore, elles mettent en danger l’essence même de la démocratie directe. Si l’expression populaire demeure la meilleure garante de la volonté citoyenne, nul ne saurait accepter de faire de celle-ci un vivier de l’exclusion. Bien qu’il faille le manier en politique comme en histoire avec précaution, le peuple n’a pas toujours su manier avec la même précaution la politique et l’histoire. Dans sa définition même, le peuple ou sinon l’appel au peuple recèlent en eux les plus belles pages de la démocratie, mais aussi les plus sombres. Que le temps soit donc venu de ne plus croire en cette idée saugrenue selon laquelle le peuple aurait toujours raison. Il peut se tromper, même s’il est en droit de se tromper. En revanche, la politique n’a pas le droit de tromper le peuple et de ne l’utiliser qu’à sa propre guise. C’est là pourtant la stratégie délibérée, réfléchie et pensée de l’UDC qui, contrairement à Léon Blum, pour qui la fin ne justifiait jamais les moyens, se sert de la démocratie directe pour mieux l’affaiblir et par ricochet affaiblir le système suisse.

A vouloir accepter des textes inacceptables, la Suisse se met elle-même dans l’embarras. Aucune votation ne réglera définitivement le droit d’asile, aucune initiative n’empêchera le droit international de progresser, aucun référendum ne portera atteinte à l’intégrité de l’Union européenne. A force de jouer la politique du pire, la Suisse fait courir un danger à sa propre démocratie. Persuadée d’être dotée du meilleur système politique du monde, elle risque aujourd’hui de fournir la preuve du contraire. Car à l’inverse de ce que pensent certains citoyens helvétiques, la démocratie n’est pas qu’une question d’élection. Ainsi n’est-ce pas seulement au nombre de scrutins que se mesure la santé d’un régime démocratique. Car outre l’appel aux urnes, la démocratie a besoin d’un second levier pour exister. Ensemble de valeurs philosophiques et politiques, il constitue, au-delà des différences partisanes, le socle d’une société respectueuse de la dignité humaine. A vouloir le remettre sans cesse en cause, l’UDC abat ses cartes sur l’autel d’une Suisse où le refus de l’autre semble l’emporter sur cette parole qui, mieux que toute autre, devrait résumer l’engagement de tous ses citoyens: «Unus pro omnibus, omnes pro uno.»

Gilbert Casasus, professeur en études européennes, Université de Fribourg

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