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Frédéric Maillard
Par Frédéric Maillard Le 17 avril 2018 Catégorie d'articles: Activités, Police, Revue de presse

OPINION – Les interpellations policières se sont détériorées ces derniers mois constate l’analyste et prévisionniste de polices Frédéric Maillard. Il pose un diagnostic sur ce phénomène et propose ses remèdes

Alors que depuis 2015 j’enregistre une détérioration des interpellations de police, deux rapports fédéraux publiés ces derniers mois complètent ce diagnostic. Aux policiers que je rencontre en formation continue ou sur le terrain, je leur demande toujours de me décrire la nature et le déroulement de leurs cinq dernières interpellations. Résultat: une sur cinq ne leur donne pas satisfaction et ils reconnaissent alors avoir tenu des propos indignes ou avoir eu un comportement inadéquat. C’est peu et beaucoup à la fois sachant que ce sont les agents, dans leur libre arbitre et leur autogestion, qui discernent cette anomalie.

Mon constat est basé sur les analyses de pratique que j’ai effectuées depuis 2007 auprès de 3500 policières et policiers dans le cadre du diplôme fédéral supérieur de police. A cela s’ajoutent une centaine de témoignages plus récents.

Le premier rapport auquel je fais allusion est juridique. Commandité par la Commission fédérale contre le racisme, il a été réalisé par la Haute Ecole spécialisée de Zurich et date du 5 décembre 2017. Il confirme l’existence des discriminations, notamment celles consécutives aux opérations des forces de l’ordre. «Généralement taboue, cette problématique est trop rarement abordée au sein des autorités en question», précise l’étude. Les auteurs regrettent de ne pas pouvoir disposer de données chiffrées autres que celles d’ordre judiciaire.

Le deuxième rapport issu de l’Office fédéral de la statistique et présenté publiquement le 15 décembre 2017, révèle, quant à lui, une étrange concordance de proportion avec mes observations puisqu’il dévoile qu’un Suisse adulte sur cinq est victime de discrimination. Les retours que me font les policiers, avec lesquels je collabore étroitement, apparaissent donc comme réalistes. Les publics et les pourcentages ne sont pas interchangeables. Néanmoins, en leur qualité de représentants étatiques, les policiers sont appelés à se distinguer dans leurs comportements. Leurs formations, leurs pouvoirs exceptionnels, leur assermentation, leurs équipements et leur uniformisation devraient y contribuer. Dès lors, une question subsiste. Est-ce que leurs formations ne produiraient plus l’effet escompté par l’introduction du brevet fédéral?

Les trois causes du problème
C’est ce que je crains car j’ai identifié trois causes à ces dégénérescences.

1. En 2004, le Conseil fédéral lance le brevet de policier. Son avènement fait beaucoup de bien et une page se tourne de l’avis même des policiers. Les valeurs fondamentales et les dilemmes éthiques sont enfin abordés, ne serait-ce que durant 20 à 30 leçons sur les 1800 existantes. Onze ans plus tard, j’observe un retour de balancier. Comme si le policier avait atteint un seuil critique: celui de la contrariété. Il a certes augmenté ses connaissances et ses compétences mais nombre de corporations qui l’emploient sont restées susceptibles et repliées sur elles-mêmes.

2. Si, durant sa formation initiale, le policier voit ses initiatives brimées par une discipline ultramilitarisée, il compensera plus tard sur le terrain. Un terrain sans supervision et déserté par les anciens, devenus chefs et cloisonnés dans leurs bureaux. Ce phénomène sociologique de police, largement documenté, provoque l’inversion des responsabilités.

3. En police, la gradation et le salaire sont étroitement liés et assujettis aux qualifications des prédécesseurs. Cela engendre des effets de redevabilité très sournois. Face à la détérioration d’une interpellation, le policier, surtout s’il débute, préférera taire son erreur plutôt que de la traiter.

Quatre résolutions possibles
Pour pallier ces problèmes, j’entrevois quatre résolutions possibles:

  1. Recenser les différentes formes de discrimination au sein des corporations. Ces chiffres nous manquent cruellement. Seuls des organes neutres et indépendants peuvent recueillir des aveux en toute confidentialité.
  2. Concevoir des formations continues où les valeurs fondamentales qui légitiment le statut de policier civil et public sont incarnées par des témoins authentiques et étroitement mêlées aux tactiques et techniques d’intervention.
  3. Renforcer l’enseignement des sciences sociales et criminologiques facilitant la compréhension des enjeux sociétaux.
  4. Développer les apports pluridisciplinaires extérieurs et la présence des femmes dans les états-majors opérationnels.

Je ne crois pas que les outils de contrôle, tels que les caméras portées sur le corps du policier ou les récépissés post-interpellations puissent prévenir ces dérives. Selon moi, ils ne feraient que provoquer de nouvelles défiances de part et d’autre. Je préconise le mélange des savoirs et des expériences entre tous les acteurs sociaux ainsi que le développement d’une pédagogie participative digne d’une formation d’adultes.

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