Edward Bond, dramaturge, metteur en scène, théoricien et traducteur britannique contemporain, affirme que le théâtre est essentiel à ce qui nous rend humains. Il est convaincu que face à l’actualité et à l’histoire qui nous donne une image si négative et violente de l’humanité, le théâtre doit nous montrer ce que l’homme est capable de faire et ce qu’il est profondément.

Cette conviction, je la partage intimement : elle nourrit au quotidien le travail d’animatrice théâtre que j’accomplis avec des gens qui ne sont, a priori, pas de théâtre et que j’initie aux joies de la représentation de l’humain. Ce métier, encore mal connu et souvent peu considéré, qui requiert des aptitudes théâtrales, artistiques mais aussi pédagogiques, sociales et culturelles, je l’exerce depuis plus de vingt ans, principalement dans l’arc jurassien. Depuis dix ans que je dirige Cours de Miracles, fondation dédiée à l’animation théâtrale unique en Suisse romande, j’ai accompagné une multitude d’hommes et de femmes dans leur découverte du plaisir de jouer ensemble pour d’autres. Mes plus jeunes « animé-e-s » ont 4 ans, mon plus vieil en avait 94. Qu’ils soient à l’école, dans une institution, en situation de loisirs, de handicap ou de chômage, je ne cesse de m’émerveiller de la beauté et de la force que la scène confère à ceux et celles qui l’arpentent, d’abord timidement, puis avec de plus en plus de confiance et, finalement, s’en emparent pour apporter aux spectateurs leur point de vue sur le monde. Car, et on l’oublie souvent, le temps de la représentation théâtrale est un moment où des personnages, incarnés par des personnes devenues comédiennes, partagent, avec le public, leurs points de vue sur les questions essentielles qui traversent la destinée humaine : la vie, la mort, le changement, les relations entre les hommes, entre les femmes et les hommes, entre les forts et les faibles, … La puissance et la magie du théâtre résident dans le fait que ce qui est exposé l’est non seulement par le verbe, mais aussi par la voix, le corps et les gestes, le costume, la lumière et les ombres, l’espace et les décors, la musique et les sons. Ce qui est joué ne parle pas seulement à l’intellect, mais aussi au cœur et, osons le mot, à l’âme du spectateur. Créer et jouer un spectacle, même très court, c’est mouvoir/émouvoir à la fois ceux qui sont sur le plateau et ceux qui sont dans la salle. Le théâtre est un art vivant, un art qui rassemble les vivants, et offre la possibilité d’une mutation, d’une évolution de tous ceux qui sont réunis le temps de la représentation : changement de regard sur soi, sur l’autre, sur le monde. Approfondissement.

Moi, modestement, je suis celle qui crée les conditions de cette métamorphose. J’exerce assurément le plus beau métier du monde, non ?

Marie-Jeanne Liengme, directrice de Cours de Miracles