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Frédéric Maillard
Par Frédéric Maillard Le 22 novembre 2013 Catégorie d'articles: Revue de presse
Par Ariane Gigon, swissinfo.ch
Zurich

Une vaste affaire de corruption impliquant la police de la ville de Zurich fait les gros titres en Suisse, d’autant plus que les fonctionnaires étaient affectés à la brigade des mœurs. Les policiers sont-ils suffisamment sensibilisés aux risques d’achat d’influence?

Le scandale est «parfait» car il réunit tous les ingrédients susceptibles de choquer l’opinion publique. Il entraîne des démissions et oblige les politiciens à agir: à Zurich, la police a arrêté mi-novembre cinq policiers accusés de s’être laissé corrompre dans le milieu de la prostitution, ainsi que plusieurs personnes fréquentant le milieu. Ces policiers auraient fourni des informations confidentielles à des tenanciers de salons et de bars, notamment l’annonce de contrôles imminents, en échange de services sexuels et de consommations gratuites. Le «groupe spécialisé milieu/délits sexuels» compte dix-sept agents, dont plus de la moitié sont désormais soupçonnés d’être impliqués, d’une manière ou d’une autre.

La Suisse n’est pourtant pas vraiment connue pour ses problèmes de corruption. Dans le classement annuel de l’organisation «Transparency International», elle figure dans le peloton de tête des pays les moins corrompus. Les cas existent, certes, mais rarement dans la police. Max Hofmann, secrétaire général de la Fédération suisse des fonctionnaires de police, n’a pas connaissance de cas de corruption touchant des policiers depuis son arrivée dans l’association, il y a treize ans. «Il est important de souligner qu’à Zurich, le corps de police en tant que tel a fonctionné puisque la dénonciation est venue de l’intérieur», a-t-il réagi. D’après les premiers comptes-rendus, le vice-directeur de la brigade fait partie des personnes appréhendées, de même qu’une policière. Tous les deux seraient, en l’état, surtout soupçonnés d’avoir fermé les yeux sur les agissements de leurs collègues.

«Pessimisme préventif»

Une autre polémique, dans le canton de Lucerne cette fois, jette aussi une lumière sombre sur les pratiques policières: des policiers d’élite y ont fait preuve de violences, sous l’œil de caméras. Une enquête administrative est en cours. Ces affaires posent la question de la formation des policiers, à qui l’Etat confie des droits bien particuliers: ils sont les seuls habilités à priver, momentanément, les citoyens de liberté et à faire usage de force. Sont-ils suffisamment sensibilisés aux risques particuliers du métier que sont notamment l’achat de privilèges illégaux? Frédéric Maillard, analyste de police et un des principaux acteurs de la formation en droits humains des policiers, n’en est pas sûr. Durant neuf ans, il a étudié les pratiques professionnelles de 2000 policières et policiers au sein de plusieurs corporations. «La corruption n’existe pratiquement pas dans la police suisse, notamment parce que les policiers sont bien payés, affirme-t-il. Mais chaque cas est l’occasion d’une remise en question du fonctionnement de nos organisations de police. Je préfère faire preuve de pessimisme préventif.»

L’éthique, un alibi?

Selon le spécialiste, les polices font encore trop appel aux qualités physiques et font trop peu de cas des aspects éthiques du métier. «Malheureusement, les formations éthiques et en droits humains servent souvent d’alibi, affirme-t-il. On les avale comme une pilule amère. Le cours «droits humains» occupe ainsi seize heures à Genève, durant les neuf mois – ou une année si on compte les stages pratiques – de la formation de base. Avec l’éthique et les formations continues, cela ne dépasse pas 40 heures.» Pour Frédéric Maillard, «les méthodes qui prônent la virilité et la soumission réduisent l’individu à une forte assimilation au groupe. Les pressions l’empêchent de se positionner ou de contrer le groupe lorsqu’il dérive, par exemple. Dans ces cas-là, l’esprit de troupe l’emporte sur le courage des individus.» Pius Valier, directeur de l’Institut suisse de police (ISP), qui chapeaute les examens menant au brevet fédéral et au diplôme et organise la formation continue des cadres de police, conteste l’analyse de Frédéric Maillard. «Bien sûr, on peut toujours faire davantage en matière de formation, mais l’enseignement actuel est très complet», explique-t-il. Les compétences cognitives et sociales sont très importantes dans le recrutement des policiers, poursuit-il. «Nous ne voulons pas de «Rambos» et les procédures d’évaluation sont très poussées. Les qualités physiques ne forment qu’une partie des critères de base et de la formation, mais elles sont nécessaires.» Pour Pius Valier, qui a dirigé pendant seize ans la police municipale st-galloise, «c’est la formation qui crée les conditions permettant au policier de résister à des sollicitations illégales. «Mais ce qui compte, c’est la stabilité de la personne, son entourage et sa situation financière», précise-t-il. Autres éléments fonctionnant comme éventuels garde-fous: «La confiance dans la hiérarchie doit être cultivée et il faut aussi une bonne culture de l’erreur, c’est-à-dire la possibilité de rapporter les fautes sans crainte d’être réprimé, ajoute le directeur. En outre, les policiers patrouillent par deux, ce qui assure un contrôle mutuel.»

L’exemple lausannois

Reste que certains corps de police sont allés plus loin. La police lausannoise s’est ainsi non seulement dotée d’une charte de déontologie mais elle a aussi «entrepris, explique Frédéric Maillard, une longue démarche de réflexion et de formation volontaire en éthique, suite à des actes scandaleux et violents commis par des chefs et des membres de son unité secours à la fin des années 90.» Concrètement, des «catalyseurs» au bénéfice d’un certificat universitaire en éthique appliquée sont chargés de l’application des principes dans le quotidien du travail de police. La démarche a été couronnée par des prix européens. «En réalité, il semblerait que ça ne marche pas trop, dans les faits, selon la trentaine de témoignages que j’ai enregistrés jusqu’ici, relativise Frédéric Maillard. L’organisation est restée la même, militaire et stricte. Les policiers de terrain, qui font déjà face à de nombreuses contraintes quotidiennes, ressentent l’éthique comme un poids, une surveillance supplémentaire.» Pius Valier estime de son côté qu’il ne suffit pas d’énumérer de beaux principes, «il faut aussi les vivre. La meilleure prévention de la corruption, c’est la conduite des responsables de police», conclut-il. A Zurich, le commandant de police et le magistrat en charge de la police font, pour l’heure, dire qu’«il faut attendre les résultats de l’enquête» avant de prendre position. Cela pourrait encore durer plusieurs mois.

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