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Frédéric Maillard
Par Frédéric Maillard Le 1 juin 2010 Catégorie d'articles: Prendre parti

Monsieur Maillard,

Ayant déjà quelques années de service au sein de la Police cantonale genevoise, je n’ai pas eu l’opportunité de pouvoir bénéficier de votre cours lors de ma formation de base. Ce n’est qu’après plusieurs années de service que j’ai pu vous écouter, lors d’une formation continue.

Quel trouble !

Oui, Monsieur Maillard, vous êtes venu troubler mes convictions, chambouler ma façon de faire et de penser. Vous, un non flic !

« Comment peut-il bien savoir ce que j’ai dans le bide, vu qu’il ne bouffe pas dans ma gamelle », je le proclamais… comme d’autres. Ah oui, car dans la police, il faut dire comme les autres… Dans la police, il faut penser comme les autres…

Un jeune gendarme me disait d’ailleurs récemment à ce propos : « Lorsque j’étais stagiaire et qu’un ancien me demandait mon avis, je savais qu’en réalité il ne voulait pas entendre mon avis, mais s’assurer que je pensais bien comme le groupe. Je disais donc ce qu’il voulait entendre. J’étais alors pleinement accepté. On était fier de moi. Je taisais mon identité personnelle ou profit de l’identité collective. C’est comme ça que ça marche à la police. »

De même, pour votre enseignement, j’étais tiraillé entre le vif intérêt qu’il suscitait en moi et le fait de dire que « ce cours… c’est de la merde », juste pour ânonner à l’unisson avec le reste du troupeau.

Monsieur Maillard, bien que votre cours ne soit pas fondé là-dessus, vous m’avez fait prendre conscience que la pensée unique avait raison de moi. Pour être accepté, aimé, considéré par le reste de la bande, je suis devenu celui que je ne voulais pas être. J’ai perdu ma personnalité, mon individualité, ma diversité et finalement, mon âme. J’y ai laissé ma simplicité, ma joie de vivre.

Ce n’était plus moi dans mon uniforme ; c’est lui qui me remplissait. Une véritable phagocytose dont je ne m’étais pas méfiée. Personne ne m’avait mis en garde, d’ailleurs.

Quel chamboulement !

Mais là où votre cours m’a littéralement giflé, c’est qu’il m’a permis d’apprendre et de prendre conscience que le fondement même de mon métier CE SONT LES DROITS HUMAINS !

Lors de ma formation de base et de mes formations continues, on m’a appris à utiliser des outils, à réaliser un certain nombre d’actions et à établir des rapports. Mais JAMAIS avant vous on ne m’avait démontré quel était le fondement sur lequel doivent s’ériger tous ces gestes.

Le risque existe que le policier décide lui-même qui est digne de bénéficier des Droits humains et qui ne l’est pas.

Pas étonnant, vu qu’à part vous, PERSONNE ne vient définir le rôle fondamental du policier. Personne n’enseigne aux futurs policiers qu’elle est l’histoire de ce métier. Ou plus précisément quelles sont les histoires de ce métier. D’ailleurs, il ne s’agit pas d’un métier, mais bien de plusieurs métiers.

Ces fondamentaux étant ignorés, chacun rentre dans sa fonction de policier avec ses croyances et ses convictions personnelles, avec ses frustrations et ses complexes, avec ses ambitions et ses motivations propres.

En nous invitant à la remise en question, vous êtes une menace. Une menace extérieure qui plus est.

Je me suis engagé dans ce métier avec une très haute opinion de cette fonction. Je pensais rejoindre des personnes d’honneur et de valeurs. J’ai été déçu. Désillusionné. Ma colère a été immense, pendant des années, de voir des politiques et autres dirigeants dénaturer et dévaloriser ce métier.

Quelle révélation !

La deuxième gifle que j’ai reçue de votre part, Monsieur Maillard, c’est à la lecture du livre que vous avez rédigé avec Monsieur Delachaux : POLICE, ETAT DE CRISE ? UNE REFORME NECESSAIRE.

Comme me disait un collègue genevois : « Avec ce livre, ils ont mis des mots sur un malaise que je n’arrivais pas à identifier. Je croyais que c’était moi qui avais un problème. Je suis soulagé d’un poids en constatant qu’en fait le malaise ne vient pas de moi ».

Ce livre dirige sa lumière sur des zones d’ombre de l’institution policière, des zones d’ombre volontairement maintenues dans l’obscurité par certains.

Aujourd’hui, plus que jamais, je sens un véritable vent de réforme souffler sur le personnel policier. Des agent-e-s, très jeunes, réalisent le malaise et en parlent lorsqu’on leur accorde la liberté d’opinion et d’expression.

Il faudra du temps. Le policier genevois s’avère fort en gueule mais faible en actes d’objection. Le policier est loyal ; parfois même envers ce système qui le blesse. S’il y a opposition, elle est timide. L’emprise de l’institution sur les consciences est puissante. Face à elle, la peur germe dans le cœur de bien des policiers.

Mais, il s’avère aussi qu’un germe de résistance est présent chez un grand nombre !

A chacun maintenant de se responsabiliser et de décider quel germe il veut arroser…

Maxime Duchamp*, policier expérimenté, Genève, juin 2010

*prénom et nom d’emprunt

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